vendredi 28 mai 2010

Chapitre 13- Le sevrage

Les deux premiers jours à tenter de me sevrer de toi m’ont rapidement confirmé que tu étais une drogue dure dont j’aurais tant aimé être l’héroïne. Depuis l’atterrissage de mes mots de rébellion sur la piste de ta trop sage empathie, je fustige et tremble devant l’irrésistible appel de cette plume prosaïque qui t’a savamment permis de me ficeler les ailes.

En guise d’antidote à ton fiévreux venin, je délaisse Alexandre Jardin et ses courbes littéraires qui, durant les derniers mois, ont maintes fois servi de substitut agréable à ta prose ingénieuse. Comme je reconnais déjà en moi l’intuitif canyon que provoquera l’absence de tes mots, je consens à me vautrer dans les univers étranges de Bernard Werber comme on tombe à cœurs joints dans une affriolante boîte de chocolats.

Or, se défaire de l’imaginaire de ta présence est un exercice pieux pour lequel tu ne te lasse pas d’être un blasphémateur. Maintes fois tu me mets ainsi à genoux devant l’inexorable réalité de t’appartenir malgré moi.
Pages après pages, tu te niche dans l’espace subtile des interlignes. Tu te pares d’ubiquité. Tu te suspends aux points des phrases comme le plus habile des funambules, revendiquant jusqu’aux moindres vertiges de nos cordes pourtant rompues.

Les convictions deviennent convergence. Les sons se canalisent en une même violence d’assourdissements éteints. Tu doubles de ton silence les moindres dialogues cinématographiques dont je fais lâchement usage pour ne plus entendre l’écho de tes réponses que j’ai pourtant moi-même lâchement rendues muettes.

De diversités en diversions, de perversités en perversions, j’ai accroché une mangeoire à la force immuable d’un érable. Par la fenêtre, je m’ironise des mésanges qui se nourrissent de ma main menteuse comme je m’esclaffe de mon propre asservissement.

La toile dans laquelle je nous aie figés ne m’apporte pas l’exode salvateur nécessaire à tout le déluge qui inonde le désert de ma noble intention. Nos ombres sur la neige me frigorifient, me cristallisent dans une saison que j’espère déjà brève.

Un autre jour passe annonçant de plus en plus clairement l’inéluctable de ma rechute. Je me déshydrate de toi…Mes lèvres se gercent telle une figue sous un soleil brûlant de mélancolie. Mes yeux brûlent d’un feu furieux. Ma peau se pèle à ne plus imaginer la soie de tes caresses…

Abdiquerai-je ? Tisserais-je mon orgueil jusqu’en t’en faire un tapis d’Orient sur lequel nous pourrions nous envoler vers de nouveaux cieux paradisiaques? Ai-je si peu de force que tu aimeras ma faiblesse comme le jour sert la nuit sur un plateau d’étoiles ?

Quarante-huit heures plus tard, je m’avoue vaincue. Je tourne lamentablement la page en dessinant dans un paysage vierge de tout ressentiment l’esquisse étrange de ma volontaire servitude….

1 commentaire:

  1. Tout est clair ! Ta poésie se rapproche de la souffrance qui accompagne le sevrage...
    Comme toujours, c'est bien écrit, ça coule et les images succèdent aux images pour mon enchantement. Ah comme j'aimerais être cet être que tu aimes tant. Le chanceux le sait-il au moins ?
    "je reconnais déjà en moi l’intuitif canyon que provoquera l’absence de tes mots" L'érosion rapide d'un être en manque de mots d'amour...
    Ton asservissement m'inquiète un peu. Moi qui te sais si fière et indomptable.
    J'adore ton avant-dernier paragraphe. Il est époustouflant.
    Mais je n'aime pas la dépendance et la servilité. La docilité et la domestication ne sont-elles pas tes ennemies ? Ne vas pas sous le joug !
    Un ami sincère.

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