jeudi 10 juin 2010

L'étoile de main

L’aube brumeuse a laissé choir sur mes berges une étoile, une étoile de main.  À bout de souffle, à bout de sens, je l’ai déposé sur mon oreiller, la tenant contre moi comme si elle était tienne.  Je me suis prise dans le filet d’imaginer ta présence pour retrouver le sommeil.  Je n’y suis pas parvenue.  Je n’y parviens plus.  Les sens manquent de toi.  Je ne t’entends pas.  Je ne te touche pas.  Je ne te goûte pas. Le parfum de ton corps n’est qu’une présomption. Je t’écris, je te peins, je te sculpte sans jamais parvenir à te donner forme.  Je suis avalée par le vide.   Je suis le silence dans la bouteille.

 La marée de l’éveil me ramène sur la plage de la réalité pour mieux me rejeter, l’instant d’après, dans les gouffres sous-marins de l’espoir.  De minutes en minutes je me roule, je me retourne, jusqu’à m’étourdir de toi.  Pourquoi ne suis-pas comme les embruns qui acceptent de se briser au contact du sable pour mieux se ravitailler de force pour la  vague suivante ?  Pourquoi ne suis-je pas le sage galet qui consent à se laisser polir sans tempête, sans surprise, au rythme régulier de la vie ?  Pourquoi suis-je si brûlante de fièvre quand je songe à me naufrager de nous?

Je suis une immobile qui abdique le mouvement. Je ne connais pas les armes qui me permettent de me défendre contre cette horde d’émotions dont tu es l’honorable maître.  J’ai le cœur enterrée dans le mouvant des sables.  Je suis ancrée dans une faiblesse d’ouvrir le feu sur ce qui fustige ma propre quête de sérénité.  Dis-moi, mon tendre chevalier, comment peut-on faire le deuil de ce qui refuse de mourir? Je pose la question sans même attendre la réponse car je sais que, tout comme moi, tu portes la médaille de l’honneur, du courage et de la responsabilité.  Tacitement, nous avons un jour accepté d’être le résultat d’un choix, la conséquence d’une réalité qui s’embrume, qui s’ensoleille,  sans pourtant vouloir nous offrir un trésor à la hauteur de notre véritable richesse. 

Je me suis échouée sur tes rives, mes doigts joints au spectre délicieux de ton étoile de main dans la mienne.  Je suis baignée de faiblesses.  Je suis trempée de solitude.  Je suis submergée d’absences.  Je suis noyée de désirs. Dans le coquillage de mon oreille, j’entends le souffle délicat de tes soupirs.  Je m’inonde de ta patience.  Je m’expire enfin, enlacée à jamais dans les algues de ton cœur. 


Julie la sirène...

1 commentaire:

  1. Comme l'absence de l'Autre, son éloignement, son insaisissabilité te rendent triste et poète. Ce dernier élément en vaut quand même la chandelle !
    "...enlacée à jamais dans les algues de ton cœur."
    Toute la beauté du monde humain est là dans ces mots simples que tu tisses comme le rosier sa rose ou la tige sa fleur. Les algues du coeur sont ces artères qui parcourent la poitrine et y distribuent la vie comme, toi poétesse chérie, la beauté qui irradie sa chaleur dans mes veines vieillies.
    Bravo encore mon coeur d'affection, d'effervescence et d'émoi !

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