vendredi 26 février 2010

Chapitre 3 - L'intensité

Mon escapade divine dans les eaux chaudes aura réussi à faire fondre la glace. Mon cœur bat à nouveau, réveillé par l’électrochoc de ta réponse. La réalité me rattrape. Elle s’expose à moi par tes mots en faisant claquer les volets de mes illusions dans de grands bruits de fracas. Habilement, tu défais les images, tu effaces les traits, tu ajoutes des couleurs que je n’ai pas choisi.

D’une finesse chirurgicale, tu manie l’aiguille et le fil afin de favoriser l’aseptisation. Points par points, tu me recouds afin que je ne prenne pas froid, afin que je ne souffre pas. Plusieurs fois, j’examine le travail minutieux de ta couture, en tentant d’y détecter les failles, les fuites, qui m’offriraient l’espoir d’une souplesse prête à tout rompre. Or, tes mains sont douées d’une précision remarquable. Me voilà donc rafistolée jusqu’au cou, avec au cœur, la cicatrice d’un passé de paradoxes.

Autour de moi, on se félicitera sûrement du succès de l’intervention. Pour eux, comme pour beaucoup d’autres, l’intensité ne peut se vivre que momentanément. L’intensité foudroie, dévaste, bouleverse mais ne peut qu’être dommageable à trop fortes doses. Ces gens là ne me connaissent pas.

Ils ignorent tout de l’immuable force qui m’habite lorsque la passion m’attise, lorsqu’elle me nourrit. Toi, qui à fait naître en moi ce feu, envisages-tu la puissance de mon dragon ou m’entrevois-tu seulement comme une fleur vulnérable qui tangue et se fane au moindre courant d’air?

Sache que dans les deux cas tu te trompes. Il brûle en moi un feu de forge si intense, qu’il arrivera à faire fondre d’émois le cuivre ton armure. Comme la lave je me glisserai de mon volcan et avancerai langoureusement jusqu’à pouvoir attiser ta chair. Je te mordrai de mes tisons. Je t’allumerai de ma beauté. Je t’infligerai le supplice de ne pas pouvoir me prendre pour t’épargner les mains.

Je me déposerai à tes genoux pour t’offrir l’antre de ma source d’étincelles. Je pourprerai tes joues de convoitise en m’habillant de fièvre. Tu seras ensorcelé par ma chaleur. Tu rencontreras le dragon et tu rougiras de plaisir à l’idée d’être son prochain repas.

Mais dans le ventre de la bête, tu découvriras la fragilité de la fleur, la pure blancheur de ses pétales et la douce frivolité de son cœur d’étamines. Tu auras sans doute envie de la cueillir. Ta main se voudra alors douce et rassurante pour l’extirper de la terre de son dragon.

Près de toi, elle se laissera devenir le parfum que tu attends. Elle chancèlera sans doute d’émotions face à l’archange de ton sourire. Mais, attentif, tu la rattraperas et lui donnera le courage de ne pas baisser les yeux. Tu lui reconnaîtras certes sa vulnérabilité mais tu n’oublieras jamais, qu’un jour, tu l’as cueilli ici dans le ventre d’un dragon.

1 commentaire:

  1. Comment un texte aussi puissant et beau peut-il être resté sans commentaire ? Je n'ai jamais lu un texte aussi éloquent sur la passion dévorante de l'amour...
    Je suis vraiment ému devant ton talent.
    Est-ce que je comprends bien si je dis que l'amoureux a quitté le personnage du roman ?

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