mardi 16 mars 2010

Chapitre 4 - Les Carapaces

Les carapaces ont finalement craquées. D’apparents boucliers à fortuites protections, nous avons constaté unanimement l’étendue de leurs vaines utilités.     En fait, il n’aura fallu que bien peu de questions pour les regarder disparaître en milles éclats de rire. 

Sans nos carapaces, nous nous retrouvons tout à coup dénudés de malentendus, complaisant de sous-entendus, à peines contenus par la fébrilité d’un échange plus naturel que la nature elle-même.  Ensembles sans y être, nous avons goûté les prémisses d’une avalanche d’extase.

Tu as du partir.  Et,  j’ai du rester.  Le corps en barrage, je n’ai maintenant aucun autre choix que celui de céder sous la sublime pression.  Il me faut laisser s’évader le torrent que tu t’es amusé à gonfler par tes minauderies.  J’y suis. Reculée aux confins de moi-même, les pointes dressées, le dos arcbouté pour t’offrir un arc-en-ciel de jubilations isolées.  

Mais, la scène manque désespérément de toi.  Je te cherche des yeux. J’invoque un peu de ta magie, les signes de ta présence dans cette dimension ou dans une autre.  Loup y est-tu ? Loup que fais-tu ? Me dévores-tu en silence ?

L’idée jaillit soudain.  J’empoigne sauvagement un pinceau dans la transparence d’un geste de faïence.  Je le laisse me peindre de tes couleurs. 

 Je l’autorise à m’ébaucher tes gestes suaves. Les poils se trempent dans mon encre blanche, la galvaudant, la débauchant, jusqu’à recréer les neiges éternelles de mes monts affranchis.  Tu te hisse. Tu me conquis. 

Explorateur par objet interposé, par lui, tu plante ton drapeau. Sous la feinte de l’étreinte je gémis.  Je trace de mes ongles les pistes par lesquelles je redescendrais, plus tard, bien plus tard. Le point restera suspendu pour toi, imperceptible témoin de mes lubricités, espiègle espion de ma décadence. 

Il se passera quelques lunes avant que je ne croise encore une fois ton regard. La lumière se lèvera elle aussi deux fois plutôt qu’une.  D’ici là, j’abdique à l’annonce de tes silences. Mais, avant de te quitter, je te confie un dernier secret. 

Dans les forêts, les chutes, les montagnes et les mers, je t’accompagnerai. Par les regards, les poignées de main, les sourires, je me rapprocherai de toi.  Par la musique, par le vin, par les victuailles j’entrerai en toi pour mieux te découvrir….

1 commentaire:

  1. Le moulin à images, ce n'est pas à Québec qu'il était tout ce temps mais bien ici ! À deux doigts de chez moi...
    "boucliers à fortuites protections" Quel oxymore suggestif, improbable mais qui suggère la nature pacifique et transparente de l'auteur. Idem pour les "vaines utilités". J'adore.
    On comprend bien que ces figures de style maniées de main de maîtresse nous amenaient vers un tombée des masques et le grand fou rire.
    J'aimerais bien connaître ton processus d'écriture !
    Ton érotisme est intense.
    "Le corps en barrage...etc." Ce paragraphe est d'une beauté toute hérissée comme une crête de punk ! Quelle sève coule dans cette plume numérisée !
    Ensuite, l'érotisme devient impétueux. Il me faudrait une décodeuse pour tout comprendre mais l'esthétique est euphorisante !
    La beauté s'est incarnée encore dans ces mots: "j’abdique à l’annonce de tes silences."
    Je suis décidément charmé par l'art de cette muse écrivaine :)

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