mardi 23 mars 2010

Chapitre 9 – La fenêtre…

La scène se mijotait depuis plusieurs heures. Une fine neige préparait notre lit dans l’autre monde tandis que nos esprits travaillent en somnambules.

Je sais que tu m’as gardé près de toi aujourd’hui. Dans ta main, tu m’as même cajolé distraitement. Sans preuves tangibles, il me semble pourtant avoir gagné une place, discrète, au creux de ta poche, aux frontières limitrophes de l’instrument prometteur de mon désir.

Froid petit morceau de verre inerte, je suis bien loin de me douter que, dans quelques minutes, je me liquéfierai d’étonnements. Je me prépare à ta rencontre virtuelle, sans attentes, mais impunément ravie de te savourer en temps réel.

Tu te présentes enfin. Présent par les ondes, mais absent par le souffle. La discussion s’entame comme la première bouchée d’un pain dont on ignore encore la saveur exotique. J’ai fait des recherches toute la journée et je manœuvre notre barque sur des vagues d’informations.

Dans le rapide sablier de la soirée, je me glisse, afin que tu ne m’échappe pas. Je connais ta fatigue et par respect, je m’apprête bientôt à disparaître sagement derrière le rideau de la contrainte.

Or, je constate soudain, ébahie, que nos phrases ont créé des arpèges tacites sur des plans bien plus subtils. De questions en réponses, de dynamique en dynamite, l’explosion souffle d’un coup mes murailles. La passion allume des bougies aux quatre coins de notre chambre pixellisée. L’encens parfume chacun des mots.

Nous mordons les fruits de l’autre de nos lèvres silencieuses. Je me transpose sous tes doigts par le biais de quelques caractères muets. Tu m’exprime ta gourmandise par l’envie de mon souffle, de ma peau, de ma voix…Nos mains se veulent libertines mais, elles restent condamnées, cruellement ficelées, derrière le verre nos écrans.

Je veux attendre avec toi le départ de nos envolées d’oiseaux sauvages. Je ralentis la cadence en prenant soin de recueillir chacune des gouttes de la sève que tu laisse s’infiltrer entres les touches de mon clavier. Je la fais bouillir en moi pour te transformer en sirop de suprêmes exaltations.

J’agrippe mon regard à tes points suspendus pour contenir le crescendo car, si j’ai l’habitude de la transparence littéraire de notre sensualité, tes impressions ainsi partagées font naître en moi l’espoir d’une délirante délivrance.

Mon absence semble t’infligée une blessure sourde. Je veux te rassurer. Je te transmets la couleur de l’attente, la puissance des lignes sur notre canevas encore vierge. Tu te barbouille d’arguments de défaillance et le chef d’œuvre n’en est que plus éloquent.

Je résiste à l’envie de quitter mon refuge pour te donner rendez-vous dans un lieu d’exorcisme érotique. Mais, la raison me retient prisonnière. Mes doigts encore humides se collent à l’écran pour te faire goûter la vanille de mon plaisir sans que tu puisses, goulument, t’en délecter.

La course des minutes consumées s’achèvent. Je veux que tu me quittes d’abord afin que je puisse contempler l’imaginaire de tes épaules. Je reste encore quelques instants dans la pénombre de notre union. Je relis une dernière fois la scène puis referme, l’âme en ascension, cette nouvelle fenêtre momentanément ouverte sur des millions d’étoiles de nous….

1 commentaire:

  1. Quelle poésie émouvante !
    J'ignore si c'est volontaire mais il y a un double sens au para 2 ! :)

    Explosion stellaire intense et captivante. Je suis incapable de détourmer mes yeux de ton poème même s'il peut me faire mal par son intensité.
    "La passion allume des bougies aux quatre coins de notre chambre pixellisée." Quelle image éclatante de l'amour! tu es vraiment douée ideesinvitro ! :)
    Rapprochements symboliques d'amoureux derrière leur écran. Déchirant et fulgurant à la fois.
    Des images réminiscentes du terroir chaud et langoureux.
    Tu me scotches Iulia !
    C'est un de tes chapitres les plus forts et ravissant !

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